Théories et données linguistiques

Animé par Anaïd Donabédian et Alexandru Mardale (INALCO, SeDyL)

L’objectif du séminaire est de sensibiliser les étudiants aux recherches linguistiques articulant à la fois les théories linguistiques (quelles qu’elles soient) et l’attention aux données et à la diversité des langues, à travers des interventions de chercheurs de SedyL ou de l’Inalco, ou de chercheurs invités, ainsi que de présentations des travaux des mastérants ou doctorants.

Le séminaire aura lieu de 14h30 à 17h30 aux dates suivantes :

Dates : le vendredi, 13 oct. 2023, le 17 nov. 2023, le 8 déc. 2023, le 9 fév. 2024, le 8 mars 2024, le 5 avr. 2024, le 3 mai 2024

Horaire : 14h30 – 17h30

Lieu : INaLCO – PLC, salle 3.11

Prochaines séances

Programme 2024

5 avril 2024 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian, INALCO PLC, salle 5.01

Antoine Corral, Master SDL, INALCO & Paris Sorbonne Nouvelle: Les parties du discours en langue paicî (Kanaky-Nouvelle-Calédonie)

Ngoc Anh Nguyen, Master 2 SDL, INALCO : La nominalisation en vietnamien

La nominalisation est un phénomène très courant dans toutes les langues du monde. L’objectif de notre recherche est de fournir une description détaillée du phénomène de nominalisation dans la langue vietnamienne en appliquant la théorie de la translation de Tesnière. La première partie aborde les approches générales du phénomène de nominalisation et le divise en deux catégories principales, à savoir la nominalisation dérivationnelle et la nominalisation syntaxique. Dans la deuxième partie de notre travail, nous nous penchons sur le phénomène de nominalisation dans la langue vietnamienne. Différentes approches sont explorées. En nous basant sur les caractéristiques propres au vietnamien, nous étudions ce phénomène selon deux aspects principaux : la nominalisation marquée et la nominalisation non marquée. La nominalisation marquée renvoie à la théorie de la translation de Tesnière pour identifier les nominalisateurs. En ce qui concerne la nominalisation non marquée, nous avons appliqué la théorie de la transcatégorialité de Danh Thanh Do-Hurinville pour déterminer à quelles parties du discours appartiennent les mots.

8 mars 2024 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian, INALCO PLC, salle 3.11

 

Mutia Cokluk, Master 2, Université Sorbonne Nouvelle & INALCO

La transmission intergénérationnelle de la langue arabe chez les arabo-turcophones à Hatay, en Turquie

Tout au long de son histoire, Hatay a accueilli de nombreuses civilisations, et de nos jours, elle se situe comme une ville majeure dans le sud de la Turquie, où il y a une forte présence de la population Alévis arabes. L’une des caractéristiques les plus marquantes de cette communauté est leurs compétences en arabe et en turc. Toutefois, en raison de la politique linguistique monolingue en Turquie, la langue turque s’est progressivement imposée prédominante par rapport à l’arabe parmi ces bilingues parlant turc et arabe, causant une diminution progressive de la langue arabe. Pour préserver leurs langue et culture, les familles ont adopté différentes politiques linguistiques. Afin d’apprendre les modalités de transmission de cette langue d’une génération à l’autre et de déterminer si l’arabe est effectivement en train de perdre en usage, une enquête avec trente et un individus et des entretiens auprès de quatorze individus arabophones ont été menés originaires de Hatay.


Natalia Caceres & Magdalena Lemus Serrano, SeDyL CNRS

Depictive constructions in Amazonian languages

Depictives refer to a state of things that holds true within the temporal frame of a main predicate (e.g. A woman came bitten by a snake). As shown by Aissen and Zavala (2010), there is great variation from language to language in terms of how clearly depictives are distinguishable from other constructions (adnominal and verbal modification, attributive predication, complex predicates), which lexical categories are recruited for the function, and how productive depictives are.
In this paper, we conduct a contrastive syntactic investigation of the domain in two Amazonian languages: Ye’kwana (Cariban) and Yukuna (Arawakan). We use a comparable sample of naturalistic texts from firsthand corpora, from which we extract all instances of Depictive predicates, as well as other potentially similar constructions in each of these languages.

We show that the depictive strategy used depends on the characteristics of the part of speech system of each language, that is, the number of lexical categories in each system and the functional flexibility of these categories. Although recent studies have brought attention to this issue (Himmelmann and Shultze-Bernd 2004; Aissen and Zavala 2010), depictive secondary predicate constructions remain little studied crosslinguistically, and particularly so in South America. This crosslinguistic study constitutes an important first step towards filling this gap.

 

9 février 2024 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian, INALCO PLC, salle 5.01

Maximilien Rozay (M2, INALCO) : Analyse descriptive du préverbe pod- en russe : Etude sur le verbe podbivat’/podbit’

Les travaux portés par ce mémoire visent à décrire une cohérence sémantique et syntaxique au préverbe russe pod-. L’objectif de ce mémoire est de démontrer que pod- en russe sert de relateur asymétrique entre deux éléments X et Y. Bien sûr, cette analyse n’a pas pour but de donner un sens universel pour ce préverbe mais plutôt en définir des traits qui expliquent pourquoi est-il utilisé par les russophones natifs dans certaines situations et non dans d’autres. Afin d’analyser le préverbe pod-, il a été décidé de porter l’étude sur le verbe podbivat’/podbit’. Ce verbe a été choisi de par sa grande polysémie, ayant des sens se rapprochant de « couler », « renverser » ou encore « clouer ». Les traductions françaises ne servent pas de point de comparaison. Dans ce mémoire, nous allons étudier le verbe podbivat’/podbit’ sous différents sens et en expliquer l’utilisation de pod-, bit’ et de ses acteurs. L’analyse partira de ce que l’on sait sur ces termes, ce qui a été démontré par des travaux antérieurs et continuera sur une comparaison entre plusieurs énoncés comportant pod- sans bit’, bit’ sans pod- et podbivat’/podbit’.

Mihaela Ilioaia (Université de Gand) : Alternating predicates in Romanian: preliminary insights from two experimental studies

This presentation deals with the Romanian construction in which certain predicates select for two alternating argument structures:

Fetei   îi   place   istoria   /  Istoria îi   place   fetei
Pe Maria   o  enervează  indiferența / Indiferența  o enervează pe Maria

In the literature, this type of construction is called an alternating predicate construction. Recent studies show that alternating predicates are found in several old and modern Indo-European (IE) languages (Barðdal 2023: Ch. 3; Somers & Barðdal 2022). The alternating predicate constructions are a type of oblique subject construction that selects for two distinct and opposed argument structures: dat-nom or acc-nom vs. nom-dat or nom-acc (Barðdal et al. 2019), of which dat-nom and acc-nom are often analyzed as cases of topicalization (Dobrovie-Sorin 1987).

The pilot study discussed in this presentation consists of two psycholinguistic experiments meant to provide an answer to the following research questions: does structural priming influence the speaker’s use of one argument structure over the other? is there any verb bias observed? does priming work across different constructions? The concept of verb bias refers to the fact that some verbs may have a strong preference for one of the alternating argument structures they select for (Bernolet et al. 2014). As for structural priming, this refers to the tendency of speakers to reuse structures from the immediately preceding (unrelated) discourse (Bock 1986; Scheepers et al. 2017). When an alternating predicate shows a strong preference for one of the argument structures, its production is less influenced by the priming of the other argument structure. As for the locus of priming, it is an ongoing discussion: is it driven by thematic roles (Pappert & Pechmann 2014) or by event structure (Ziegler et al. 2018)?

The preliminary results of the psycholinguistic experiments show that some of the selected predicates have indeed a strong preference for one argument structure over the other. With respect to the influence of structural priming on the choice of the argument structure, the preliminary results confirm that speakers tend to reuse the primed argument structure from the preceding context but they do that to a lesser extent in contexts where verb bias is present.

 

Programme 2023

8 décembre 2023 - 14h30 - 17h00

Séminaire – Théories et données linguistiques

Animé par Anaïd Donabédian et Alexandru Mardale (INALCO, SeDyL)

Max Silberztein, Université de Franche-Comté

Approches formelle et empirique pour l’analyse linguistique

 

Max Silberztein, Université de Franche-Comté

Grammaire transformationnelle : le projet NooJ

 

Olena Saint-Joanis, Université de Franche-Comté

Ressources lexicales, morphologiques et syntaxiques pour l’ukrainien

 

Masako Watabe, Université de Franche-Comté

Un dictionnaire polylectal pour le rromani

Resumés

17 novembre 2023 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian, INALCO PLC, salle 5.05

Grammaire du baga pukur, une langue atlantique de Guinée  par Neige Rochant, Université Sorbonne Nouvelle – UMR LACITO / LLACAN

Ce travail est une description grammaticale des deux variétés existantes du pukur, une langue atlantique menacée parlée par moins d’un millier de personnes sur la côte de la Guinée. Il vise à être informé par la typologie afin d’être utilisable par les typologues et les comparatistes. Cette langue n’avait pratiquement jamais été décrite ou documentée auparavant. Cette grammaire respecte une approche descriptive de la forme vers la fonction et englobe tous les niveaux de description, de la phonologie à la structure informationnelle en passant par les phrases complexes. Elle est fondée sur des données empiriques collectées par l’auteure au cours de huit mois et demi de travail sur le terrain entre 2019 et 2023. Le corpus de textes spontanés, qui comprend six heures et demie d’enregistrements transcrits et traduits, englobe divers genres tels que des textes procéduraux, des récits mythologiques et sur les ancêtres, des récits historiques, des descriptions de rituels et de pratiques culturelles, des discours hortatifs, quelques conversations et un conte. Ce corpus, qui a servi de base à la description grammaticale, a également été complété par des données élicitées. Après une introduction offrant un contexte sociolinguistique et méthodologique, des informations sur la classification génétique et un aperçu typologique de la langue, la grammaire est structurée en neuf chapitres : Phonologie ; Parties du discours ; Système de dériflection nominale ; Système de flexion verbale ; Le groupe nominal ; Le groupe adpositionnel et le groupe du verbe à particule ; La proposition simple ; Les phrases complexes ; La structure informationnelle.

L’hypothèse de l’acquisition incomplète à la lumière des données du roumain en tant que langue de patrimoine par Alexandru Mardale (INALCO – UMR SeDyL)

Les locuteurs d’une langue dite de patrimoine (ou d’héritage, angl. heritage language, Cummins 2005, Montrul 2016) sont des bilingues, simultanés ou séquentiels. Ils parlent cette langue en famille, ainsi qu’une seconde langue dans la communauté dans laquelle ils vivent. Selon l’hypothèse de l’acquisition incomplète (Montrul 2008), la connaissance de la langue de patrimoine n’est pas « complète », à cause de l’input réduit auquel ces locuteurs sont exposés. Dans cette étude, nous nous proposons d’évaluer dans quelle mesure cette hypothèse se vérifie chez les locuteurs de roumain en tant que langue de patrimoine en France. Nos données proviennent d’une enquête sociolinguistique et d’un corpus de 45 récits de « l’histoire de la petite grenouille ». Les participants appartenant à 2 tranches d’âge (1 groupe d’enfants de 3 à 12 ans et 1 groupe d’adultes de 18 à 30 ans) vivent en France et ils sont tous des locuteurs de roumain de patrimoine et de français. Les résultats préliminaires de notre recherche, qui se basent sur l’emploi du phénomène de marquage différentiel de l’objet, montrent que l’hypothèse de l’acquisition incomplète ne se vérifie pas pour le roumain.

13 octobre 2023 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian, INALCO PLC, salle 3.11

L’ordre des mots en arménien occidental par Anaïd Donabédian-Demopoulos (INALCO – SeDyL)

 

L’acquisition des cas chez les locuteurs apprenant le roumain à l’INALCO par Alexandru Mardale (INALCO – SeDyL)

 

12 mai 2023 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian, INALCO PLC, salle 3.15

 

14 avril 2023 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian, INALCO PLC, salle 3.15

Effets segmentaux dans la formation du pluriel en Xochistlahuaca Amuzgo

Bien Dobui (UPJV PraLing et SeDyL), Noam Faust (Université Paris 8/ CNRS SFL)

 

En amuzgo (otomanguéen oriental), la formation des pluriels nominaux présente un éventail impressionant de réalisations. Certains pluriels sont formés par le simple ajout d’un préfixe nasal (tɛ→ntɛ ‘prêtre’) ; dans d’autres cas, la première consonne du singulier subit une occlusivation (se→nʦe ‘cicatrice’). Dans un troisième groupe, la consonne initiale du singulier est absente du pluriel (ʧə̃m̥· → ɲə̃m̥· ‘papier’). Un quatrième groupe implique également l’omission de la consonne initiale ; cependant, le préfixe n’est pas nasal, mais latéral (ʦjo³→ ljo³ ‘bottle’) ; etc. Dans cette présentation, nous soutenons que tous les changements susmentionnés découlent de deux principes majeurs : (1) le contraste sous-jacent entre les deux paires de phonèmes caractérisés par un relâchement retardé, à savoir : les antérieurs /s,ʦ/ et les postérieurs /ʃ,ʧ/, doit être maintenu ; et (2) /s,ʃ/ ne peuvent pas être réalisés fidèlement après [n]. Ces principes (en interaction avec d’autres considérations) conduisent à l’établissement d’une chaîne de propulsion (/s/→/ʦ/→/t/) dans les consonnes antérieures ; et à un cas de saltation /ʧ→/ʧ/ ; /ʃ/→/k/ dans les consonnes postérieures.

 

 

10 mars 2023 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian

Letizia Volpini (INaLCO) Sujet, détermination, ordre des mots. Un cas particulier étudié en grec moderne et en italien

L’exposé portera sur les relations entre détermination, ordre des mots et sujet et présentera l’avancement des travaux de recherche pour mon mémoire de master II. Il s’agira plus précisément d’étudier le sujet en début de phrase – ou du moins pré-verbal – non déterminé, en grec moderne et en italien. On sait que les systèmes de détermination du grec moderne et de l’italien présentent des différences significatives (Giannoulopoulou 2016, Holton et al. 2012, Renzi et al. 1988, Stark 2008, Tsamadou-Jacoberger 1998). D’un autre côté, dans les deux langues l’expression du sujet n’est pas obligatoire et, dans les cas où le sujet est exprimé, il n’est pas nécessairement préposé au verbe ; le sujet préverbal est en effet le plus souvent déterminé, les sujets non déterminés se trouvant généralement après le verbe. Toutefois, il est possible de trouver dans les deux langues des phrases avec un sujet préverbal sans déterminant, phrases tout à fait grammaticales, tout à fait à leur place dans un contexte donné. Il s’agit d’un phénomène considéré comme plus ou moins « marginal », mais ayant une fréquence d’apparition différente dans les deux langues et surtout une distribution qui est loin d’être homogène d’un type de texte à l’autre ainsi qu’à l’intérieur d’un même texte. Le sujet préverbal non déterminé doit donc trouver sa raison d’être dans le rôle joué par ces phrases dans les textes à l’intérieur desquels elles apparaissent, à analyser notamment en relation avec les spécificités des différents genres textuels.

Christine Bonnot & Sophie Vassilaki (INaLCO, UMR8202, SeDyL, CNRS, IRD135) Entre syntaxe et discours : les constructions pseudo-coordonnées en russe et en grec moderne 

L’exposé portera sur le fonctionnement en russe (R) et en grec moderne (GM) de structures <V1 relateur V2> où deux verbes unis par un relateur (R : I, GM : KE) ayant le double statut de conjonction de coordination (« et ») et de marqueur discursif (valeurs communes : « aussi », « même », « justement », « d’ailleurs », etc.) désignent un procès unique, le V1 perdant son autonomie et ses expansions pour venir spécifier ou infléchir l’interprétation du V2.

(1) R : [Début d’un post Internet réagissant à un article de conseils aux webdesigners]

Kogda vižu i čitaju takie stat’i, vot sižu i dumaju xot’ komu-to èto prinosit pol’zu?

Quand je vois et que je lis de tels articles, je me demande vraiment [litt. ‘voilà suis-assis I pense’] s’il y a des gens à qui ça apporte quelque chose ?

(2) GM : [Fil twitter : il s’agit de critiquer une justice aux ordres]

Ti kaθonde ke kanun erevnes, anakrisis, ðikoɣrafies, su’pa, mu’pes ? Jiati ðen kanun ena pol sto tuiter pçon na silavun, na telionume ?

Pourquoi est-ce qu’ils s’obstinent à faire [litt. ‘(ils) sont-assis KE font’] des enquêtes, des interrogatoires, des dossiers d’instruction, et tout le tintouin ? Pourquoi ne pas faire un simple sondage Twitter : « qui arrêter ? », et qu’on n’en parle plus ?

En (1) et (2), les V1 « être assis/s’asseoir » ne désignent pas une posture physique concrète, ici non pertinente, mais annoncent une opposition entre deux points de vue. En (1), le V1 sižu (litt. ‘suis-assis’) indique que le V2 dumaju ne doit pas s’interpréter avec la valeur processuelle (« réfléchis ») qu’il a normalement quand il régit une interrogative indirecte, mais introduit une question rhétorique remettant en cause l’utilité de l’article présupposée par sa publication. En (2), le V1 kaθonde [litt. ‘sont-assis’] souligne au contraire la valeur processuelle du V2, mais sert aussi à faire interpréter l’interrogative directe comme une question rhétorique remettant en cause l’utilité d’une procédure longue et complexe dont l’issue est connue d’avance, d’où l’analogie avec la « Twittosphère » et les ‘twitter polls’ (GM : pol). De telles constructions, dites « pseudo-coordonnées », sont attestées dans des langues de familles et aires linguistiques diverses et généralement vues comme intermédiaires entre coordination et subordination [Ross 2016]. Le cadre privilégié pour les aborder est celui de la grammaticalisation : privé de ses arguments et pris dans sa relation avec le V2, le V1 se viderait de sa substance lexicale pour se transformer en simple marqueur grammatical de catégories aspectuelles ou modales telles que « progressif/duratif » [Kuteva 1999 à propos des V1 de posture statique « être debout/assis/couché »], « intentionnalité » [Svorou 2018 à propos des V1 de mouvement en grec moderne] ou « miratif » [Weiss 2022, à propos du V1 russe vzjat’ « prendre »]. Nous essaierons de montrer que ces constructions constituent en fait des moules permettant de former des syntagmes au statut hybride, à la fois partiellement lexicalisés et étroitement dépendant des déterminations contextuelles, et que leur sens, souvent opaque pour les locuteurs non natifs, se construit dans le discours selon des principes communs réguliers reposant sur un même mécanisme énonciatif. Nous appuierons notre analyse sur des exemples illustrant le fonctionnement de deux types de V1 comparables dans les deux langues :

– verbes de posture statiques et dynamiques : « être assis » / s’asseoir », « être debout » / « se lever ». La comparaison des deux langues montre que les représentations respectivement associées aux postures assise et debout y sont largement similaires ;

– verbes de préhension : R : brat’ipf/vzjat’pf« prendre »; GM : piano « saisir, attraper ». Les divergences sont ici plus importantes, ce que nous attribuons au fait que les deux verbes focalisent deux phases différentes d’un geste de préhension, initiale pour le russe, finale pour le grec.

10 février 2023 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian, INALCO PLC, salle 3.15

Samuel Chakmakjian (INALCO, ERTIM & UMR SeDyL)

L’arménien est une langue indo-européenne avec deux variantes standard. Malgré ses deux inventaires phonémiques très différents et des années d’isolement relatif l’un par rapport à l’autre, les recherches scientifiques évoquent souvent une correspondance (synchronique) phonème-à-phonème entre les deux variantes. En outre, aujourd’hui les locuteurs des deux variantes se retrouvent de plus en plus souvent dans des espaces sociaux partagés (Karapetian, 2014 ; Chahinian & Bakalian, 2016) communiquant avec une facilité considérable. Pour expliquer ces phénomènes, cette présentation examinera l’application possible du ‘diasystème’, proposé pour la première fois par Uriel Weinreich (1954), et développé par d’autres linguistes (Cochrane, 1959 ; Moulton, 1960 ; Pulgram, 1964). Cette analyse sera explorée en tenant compte des conventions de la recherche actuelle en linguistique arménienne, du paysage sociolinguistique contemporain et des applications pratiques pour le linguiste, ainsi que pour les locuteurs eux-mêmes.

Antonina Bondarenko (UMR SeDyL)

Au cœur de toute théorie linguistique se trouve la question de savoir ce qui constitue une phrase. L’objet de la présente étude est le phénomène controversé de la phrase averbale, i.e. structure dans laquelle le marqueur syntaxique typique du statut phrastique – le prédicat verbal – est absent. Persuadés que les contraintes linguistiques cachées dans une perspective monolingue peuvent émerger dans une comparaison interlinguistique, nous examinons le phénomène en russe et en anglais, deux langues aux propriétés typologiques particulièrement différentes en ce qui concerne le verbe. Nous intégrons les méthodes contrastives, de corpus et énonciatives, dans le but de (a) décrire les traits sémantico-pragmatiques de l’absence du verbe, propres à chaque langue, et (b) explorer les implications pour les théories existants. Grâce à un nouveau corpus parallèle-et-comparable de 1,4 million de mots et à une méthode novatrice de récupération automatique de l’absence (structures grammaticales ouvertes élusives), nous sommes en mesure de lever les limites de données imposées aux recherches précédentes et de revoir les comptes rendus existants. Les résultats nous donnent également de nouvelles bases empiriques pour défendre le statut phrastique de ces structures, et nous amènent à proposer un modèle de la phrase qui s’efforce d’être capable de rendre compte du phénomène averbal. Dans le présent séminaire, en plus d’esquisser la controverse de fond et notre cadre méthodologique multidisciplinaire, je résume les résultats descriptifs et leurs implications théoriques, y compris l’analyse de la structure informationnelle et de l’ellipse syntaxique, et je réfléchis des perspectives d’avenir des phrases averbales.

Programme 2022

9 décembre 2022 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian

 

18 novembre 2022 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian (INALCO, PLC salle 3.15)

Peter Arkadiev (University of Zurich) Non-canonical noun incorporation in Northwest Caucasian (with focus on Abaza)

Northwest Caucasian (NWC) languages have usually been considered to lack noun incorporation (NI). Indeed, they do not feature structures considered prototypical NI as familiar from such languages as Iroquoian or Chukotkan, where the verb optionally and productively combines with the root of its P or S argument under specific discourse conditions with consequences for transitivity and case marking. However, I argue that NWC still shows phenomena amenable to an NI analysis. These are found in the domain of the so-called spatial preverbs, many of which not only historically go back to incorporated nouns, but may be analysed as such synchronically as well, albeit under a broad understanding of NI. In my talk, I shall focus on constructions with two types of incorporated nouns in Abaza, a member of the Abkhaz-Abaza branch of NWC, i.e. body-part nouns and non-relational nouns, discussing similarities and differences in their semantics and morphosyntactic behaviour and drawing parallels from other languages of the family as well as cross-linguistically. I shall argue that Abaza and, more broadly, NWC spatial preverbs form a cline from incorporated nouns to fully grammaticalised lexical affixes, suggesting several successive stages of incorporation and ensuing affixalisation.

 

14 octobre 2022 - 14h30 - 17h30

Séminaire Théories et Données linguistiques

Animé par Alexandru Mardale et Anaïd Donabédian

Résumés_des interventions du 14 oct 2022

13 mai 2022 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Animé par A. Donabédian et A. Mardale
14h30-17h30
Alice Ionescu (Université de Craiova) -> Résumé

Sjef Barbiers (Université de Leiden) -> Résumé

-> Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

11 mars 2022 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Yagmur Ozturk, Université de Franche-Comté – Mihaela Ilioaia, Université de Gand

Yagmur Ozturk, Université de Franche-Comté
Construire des ressources pour étudier la morphologie du turc

L’objet de ma recherche consiste en une étude morphosémantique comparée entre le turc, une langue agglutinante à forte productivité dérivationnelle, et le français. Or, en termes de ressources morphologiques nécessaires pour mener à bien cette recherche, le turc s’avère être une langue sous-dotée : il n’existe pas de ressources suffisamment riches et variées, pouvant être utilisées dans le cadre du Traitement Automatique des Langues. Le sujet de cette intervention portera ainsi sur la construction de ressources permettant une étude de la morphologie dérivationnelle du turc, plus précisément de la dérivation nominale. Il s’agit dans un premier temps, de construire un inventaire morphosémantique en turc pour en ressortir des schémas de construction de sens. Cet inventaire comportera des affixes de dérivation nominale (Göksel & Kerslake, 2005) auxquels des catégories sémantiques seront attribuées. Cela nécessite donc, en parallèle, une ressource ontologique de catégories sémantiques. Celle-ci se base principalement sur les recherches menées par Alexandra Bagasheva (2018) sur les concepts sémantiques à portée universelle et comparative dans l’affixation. Cette dimension sémantique permettra d’identifier l’apport sémantique de l’affixe dans la dérivation d’un nom et pourra être un facteur comparatif pour une recherche morphosémantique dans d’autres langues. Pour finir, cette étude nécessite également la construction d’un corpus de noms afin d’obtenir un jeu de données observable et réutilisable. Ce corpus est construit à partir d’une extraction du dictionnaire numérisé Türk Dil Kurumu sözlükleri (Les dictionnaires de l’Institut de la langue turque). L’objectif de la construction de ces ressources est de pouvoir les utiliser aussi bien dans le cadre de ma thèse que dans celui d’autres projets sur le turc, et ainsi promouvoir la science ouverte.

Mihaela Ilioaia, Université de Gand
La construction MIHI EST et d’autres structures expérientielles en roumain
La présente communication porte sur la construction MIHI EST en roumain, illustrée dans (1), dans laquelle le verbe fi ‘être’ se combine avec un expérimentateur datif et un nom d’état. Cette construction représente en roumain la manière la plus naturelle d’exprimer des états psychologiques ou physiologiques. Elle remonte au latin, mais elle a disparu de toutes les autres langues romanes, qui utilisent une structure HABEO pour exprimer ce type d’états. Dans le contexte des langues romanes, la construction MIHI EST est un phénomène unique et clairement sous-étudié en roumain.
(1) Mi-e foame / sete / frică
me.DAT=est faim / soif / peur
‘J’ai faim/ soif/ peur’
Avant de proposer une analyse approfondie de la construction MIHI EST, je vise à positionner cette construction dans le réseau plus large des constructions expérientielles roumaines. Plus particulièrement, je montre que ces structures peuvent être organisées en trois catégories, en roumain : (i) les constructions expérientielles avec un verbe psychologique, (ii) les constructions expérientielles avec un prédicat complexe, et (iii) d’autres constructions expérientielles. MIHI EST, la construction qui nous intéresse, est considérée comme faisant partie de la deuxième catégorie, à savoir une construction expérientielle à prédicat complexe. Au moyen d’une étude synchronique et diachronique sur corpus, j’examine (i) le statut des arguments centraux de la structure MIHI EST, c’est-à-dire l’expérienceur datif et le nom d’état nominatif, traditionnellement analysé comme le sujet, et (ii) l’évolution de la construction MIHI EST depuis les premiers textes en roumain datant du 16ème siècle jusqu’à aujourd’hui. Mon investigation révèle que, par rapport à une série de critères syntaxiques du sujet largement acceptés, l’expérienceur datif se comporte comme les sujets nominatifs, tandis que le nom d’état encodé dans le nominatif se comporte comme un prédicat. Quant à l’évolution de la structure MIHI EST, l’analyse des données révèle que la construction MIHI EST montre une certaine tendance à l’expansion, puisque dans le roumain actuel, elle peut contraindre des noms provenant d’autres champs sémantiques à l’interprétation psychologique ou physiologique de la construction.

8 mars 2022 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Larisa AVRAM (University of Bucharest)

Le séminaire est tenu via zoom
On the delay in the production and comprehension of relative clauses in child heritage Romanian
Direct object relatives have been shown to be acquired later than subject relatives in a significant number of languages. The comprehension of direct object relatives has been argued to be even more delayed than their production. One possible cause of this production-comprehension asymmetry was linked, among other factors, to the lower input frequency of these relatives, which would affect comprehension to a higher degree than production. A growing number of studies revealed that vulnerable structures in monolingual acquisition may be even more vulnerable in heritage languages. Against this background, two predictions can be made: (i) direct object relative clause production should be severely delayed in heritage languages, and (ii) under conditions of significantly reduced input, as is the case in heritage language acquisition, comprehension of object relatives should be more vulnerable than their production. These two predictions are tested against data from child heritage Romanian in a French as a majority language context. I present results from one elicited production task and one comprehension task. 36 child heritage speakers of Romanian (ages 4;0-13;02) and 36 monolingual Romanian children (ages 5;0 – 12;06) completed a production task. 60 child heritage speakers of Romanian (ages 3;10 – 13;07) completed a picture-selection matching task. The results indicate that (i) relative clauses are produced later by child heritage speakers; but there is an increase so that at age 10, the production rate is similar to the one found with monolinguals; (ii) comprehension of object relatives is more delayed than their production. But the delay is selective; it affects only object relatives with a post-verbal subject. This asymmetry between object relatives with a pre-verbal and with a post-verbal subject is tentatively argued to be an effect of dominant language interference, not of the low frequency of object relatives in the input.

11 février 2022 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Gilles Polian, CIESAS – Katharina Haude, CNRS, SeDyL

Gilles Polian, CIESAS
Interrogation, pied-piping et spécificité en tseltalan (Maya)
Cette recherche, menée en collaboration avec Judith Aissen (UC Santa Cruz), explore l’interface syntaxe-sémantique concernant les constructions d’interrogation sur le possesseur du type de “de qui as-tu vu le fils ?” en tseltal, tsotsil et ch’ol, qui forment ensemble le groupe tseltalan de la famille maya (Polian 2017). Ce type de question peut se faire de deux manières dans ces langues, selon que le possédé est déplacé en même temps que le pronom interrogatif (pied-piping) ou qu’il est abandonné dans sa position d’origine. À ces deux options correspondent des sémantiques différentes : le possédé déplacé est interprété comme spécifique et topical, tandis que le possédé abandonné est interprété comme non-spécifique. Ces deux possibilités s’illustrent en (1) et (2) respectivement en tseltal. (1) mach’a s-nich’an tal? qui son-fils est.venu De qui le fils est-il venu? [La personne qui est venue, le fils de qui est-il?] (2) mach’a tal s-nich’an? qui est.venu son-fils Qui a un fils qui est venu? En contraste avec d’autres approches qui cherchent des explications essentiellement syntaxiques aux conditions permettant ou non l’extraction de constituants (Huang, 1982, Wexler and Culicover, 1980), nous montrons que c’est la structure de l’information qui joue ici un rôle central dans la régulation entre les deux options structurelles de (1) et (2). En particulier, notre argument principal porte sur le fait que le caractère de topique est lié à l’ascension du possesseur en dehors de son constituant d’origine, position externe depuis laquelle il peut ensuite être l’objet d’un mouvement interrogatif indépendamment du nom possédé, comme en (2). Cette analyse est alimentée par de nombreux exemples de corpus de plusieurs dialectes de tseltal et de tsotsil, en comparaison avec des données de ch’ol. La consistance des données dans ces diverses langues apparentées indique qu’il ne s’agit pas d’un phénomène isolé, mais d’un trait typologique stable qui découle de l’articulation entre sémantique et syntaxe. Notre approche s’aligne donc sur les travaux qui expliquent les restrictions à l’extraction à partir de la structure de l’information, et non à partir de la structure syntaxique (cf. Erteschik-Shir, 1973, 2007; Van Valin, 1986, 1995; Meinunger, 2000).

Katharina Haude, CNRS, SeDyL
Predicational and specificational focus in a predicate-initial language
Movima is an isolate of South-Western Amazonia (Bolivia) with predicate-initial clause structure. It has two focus constructions that superficially look very similar. One is a simple clause with a noun in predicate position and a verb placed inside the argument phrase. Its pragmatically marked status stems from the inversion of the prototypical association of lexical and pragmatic categories. In the other construction, the predicative noun is additionally preceded by a free pronoun. This construction is a cleft, the pronoun and noun together constituting an equational matrix clause. The two constructions also differ in function: the simple clause with a nominal predicate is a simple predication, while the cleft is a specificational sentence. This talk is a contribution to the research on languages that use syntactic means for manipulating information structure.

Programme 2021

10 décembre 2021 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Stavros Skopeteas, University of Göttingen.

Complementarity of prosody and syntax: focus and cleft clauses in French, English, German, Chinese
La conférence aura lieu via zoom
Focus constructions may appear in different arrays of contexts depending on language: while cleft constructions are associated with contrastive focus in English, they appear in a larger array of contexts in French. A part of the cross-linguistic variation is accounted for through independent differences in prosody that influence the array of focus structures that can be mapped onto the same syntactic configuration. In the present study, we compare four languages that represent different prosodic types: – languages with flexible pitch accent placement (English, German), – a language that relies on prosodic phrasing (French) and – a language with lexical tones (Mandarin Chinese). In a speech production experiment, we examine the prosodic realization of corrective focus on canonical sentences and cleft constructions and identify prosodic reflexes of focus in all languages. In a second experiment, we elicit judgments of contextual felicity of canonical and cleft constructions in contexts with different domains of corrective focus. The outcome of this experiment reveals a typological distinction between languages with flexible pitch accent placement (English, German) and languages with other types of reflexes of focus (French, Chinese). The former languages (but not the latter) use canonical constructions without contextual restrictions; the use of cleft constructions with a focus in the cleft clause (in corrective contexts) has an advantage in the former languages compared to the latter. These findings indicate that the prosodic reflexes of focus in various languages have different semantic-pragmatic import and accordingly a different impact on the array of focus structures of the same constructions in each language.

12 novembre 2021 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Elena Vladimirska (Université de Lettonie) – Benjamin Fagard & Alexandru Mardale (CNRS Lattice), (INALCO, SeDyL)

Elena Vladimirska (Université de Lettonie)
Les marqueurs de catégorisation et d’approximation dans une perspective de la théorie énonciative de l’intonation et de son développement
Les marqueurs une sorte de, un genre de et une espèce de, sont largement étudiés dans une perspective cognitive et pragmatique. Cependant, leur sémantique spécifique reste le plus souvent en dehors du champ d’étude linguistique. En effet, dans l’approche cognitiviste, ce ne sont pas les marqueurs qui déterminent une lecture approximative ou taxinomique, mais les propriétés du nom qui constitue leur portée (Gerhard–Krait & Vassiliadou 2014) En pragmatique, les marqueurs d’approximation sont considérés en opposition aux noms taxinomiques dont ils sont issus mais dont ils ont perdu la sémantique par un processus de grammaticalisation (Flaux & Van de Velde 2000 ; Rosier 2002 ; Mihatsch 2007, 2016). Notre contribution s’inscrit dans la mouvance des travaux d’A. Culioli (1999) en référence étroite avec les travaux de D. Paillard sur les marqueurs discursifs (2011, 2017). Nous partageons le point de vue selon lequel la notion de désémantisation pose la question du seuil de renoncement au maintien d’une pleine identité de l’unité (Franckel 2019), et proposons d’envisager les marqueurs une sorte de, une espèce de, un genre de dans une perspective sémantique et énonciative, à partir de l’analyse d’un corpus audio-visuel. Nous soutenons que la réalisation prosodique et mimique-gestuelle de ces marqueurs révèle leur sémantique de base, ainsi que les enjeux énonciatifs qu’ils construisent, en permettant ainsi d’explorer les contraintes sémantiques empêchant leur commutation dans certains contextes. En nous appuyant sur la méthodologie de l’analyse prosodique et mimique-gestuelle proposée par M-A. Morel et L. Danon-Boileau (Morel & Danon-Boileau1998, Morel 2010, Morel & Vladimirska 2014), incluant les paramètres telle que la fréquence, l’intensité, la durée, la direction du regard, ainsi que le mouvement des mains, nous repérons des configurations d’indices spécifiques à chacun des trois marqueurs. Relevant soit de la problématique de formulation (une sorte de), soit de l’intersubjectivité mise en jeu (une espèce de), soit du formatage/catégorisation (l’effacement des différenciations) (un genre de) ces indices s’articulent avec la sémantique des marqueurs ainsi qu’avec leur combinatoire.

Benjamin Fagard & Alexandru Mardale (CNRS Lattice), (INALCO, SeDyL)
Les verbes de mouvement en roumain : lexique latin, influence balkanique et renouvellement
Les verbes de mouvement ont été largement étudiés dans un bon nombre de langues, y compris romanes. Parmi celles-ci, cependant, le roumain a été en partie laissé de côté. On trouve quelques études, notamment sur le paradigme des verbes de mouvement (Reinheimer 1965, Mierlă 2003abc) et leur grammaticalisation (Dragomirescu & Nicolae 2020), ainsi que quelques-unes sur l’expression du mouvement dans une perspective comparative ou typologique (Geană 2007, Dragomirescu & Geană 2011, Dragomirescu 2013). Afin de voir dans quelle mesure le roumain se conforme aux attentes pour les langues romanes (généralement à cadre verbal, cf. Talmy 1991), nous avons comparé des données élicitées en roumain, italien et français (11, 10 et 17 locuteurs, avec les vidéos Trajectoire, Ishibashi et al. 2006). L’analyse des résultats a montré, entre autres, que la proportion des verbes de mouvement d’origine non latine est élevée en roumain, surtout pour les verbes exprimant la manière, dont une proportion non négligeable est d’origine slave. Notre corpus élicité comprend ainsi des occurrences de verbes comme a (se) grăbi « se dépêcher » (vieux slave, cf. bulgare grabja(se)) ou a ocoli « contourner » (vieux slave, cf. russe, bulgare okol). S’il est évident que ces emprunts résultent d’une influence étrangère, notamment slavonne, à l’époque ancienne de la langue (16e-18e s., cf. Densusianu 1997[1901], Rosetti 1986), une question à laquelle notre corpus élicité n’a pas permis de répondre est de savoir dans quels contextes syntaxiques ces emprunts ont eu lieu. On peut en effet formuler plusieurs hypothèses concernant la différence du taux d’emprunt pour les verbes de trajectoire d’une part, et de manière d’autre part. Une explication serait que les langues slaves sont dans l’ensemble des langues à satellite, avec un paradigme important de verbes de manière, et un recours typiquement plus fréquent à ces verbes (Hasko & Perelmutter (eds) 2010). Une autre explication est liée aux tendances généralement constatées pour les emprunts : dans les langues à cadre verbal, les verbes de manière sont typiquement utilisés seuls, le fond (élément spatial saillant du déplacement) n’étant soit pas exprimé, soit exprimé comme adverbe ou groupe prépositionnel circonstant, à la différence des verbes de trajectoire, pour lesquels il est exprimé comme actant. À partir d’une étude sur corpus de roumain ancien (constitué de textes originaux et de textes traduits d’autres langues, en l’occurrence du slavon et du hongrois), pour évaluer ces deux hypothèses, nous avons cherché à vérifier de quelle manière et avec quel matériel lexical et syntaxique sont utilisés les verbes de manière à l’époque concernée. Les résultats de cette seconde étude sont limités par la quantité et la qualité des données ; s’ils ne permettent pas d’apporter une réponse claire à la question des contextes d’emprunt des verbes de mouvement, ils permettent cependant d’affiner les hypothèses, et de réfléchir aux moyens d’obtenir une réponse plus satisfaisante.

15 octobre 2021 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Claudine Chamoreau(CNRS SeDyL)

Ergativité scindée en pesh (chibcha)
Traditionnellement, le pesh (Chibcha, ISO 639-3: [pay]), a été décrit comme une langue avec un alignement morphologique nominatif-accusatif, montrant l’utilisation possible de deux marqueurs de cas sur les arguments. A partir d’une étude basée sur un corpus de 40 heures de récits dans les deux variétés de la langue, j’ai démontré que, morphologiquement, le pesh montre un modèle qui présente une ergativité scindée organisée en deux niveaux. Le premier niveau du système révèle une tension entre les deux systèmes de marquage de la langue : le marquage sur le noyau (c’est-à-dire l’indexation obligatoire des arguments sur le verbe) qui présente un alignement nominatif-accusatif et le marquage sur le dépendant (c’est-à-dire le marquage des cas) qui suit trois systèmes d’alignement différents. Leur distribution constitue le second niveau du système. Dans toutes les variétés du pesh, les propositions interrogatives partielles suivent un modèle ergatif-absolutif et les propositions relatives un alignement nominatif-accusatif. Dans ces deux types de propositions le marquage des cas est obligatoire. Au contraire, dans les propositions indépendantes et subordonnées, l’utilisation des cas sur les arguments est optionnelle et est motivée par la structure de l’information. Dans la variété parlée à Carbón, le pesh présente un alignement ergatif-absolutif pour le marquage des arguments des syntagmes nominaux et dans la variété de Culmi, le pesh a un alignement tripartite qui se présente comme une évolution de l’alignement ergatif-absolutif attesté dans la variété de Carbón. Ainsi, au second niveau, les trois stratégies d’alignement, ergatif-absolutif, tripartite et nominatif-accusatif sont représentées selon le type de proposition et la variété parlée. Je montrerai aussi que, syntaxiquement, le pesh met en place un alignement nominatif-accusatif.

7 mai 2021 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Samuel CHAKMAKJIAN(INALCO, M2 SDL SeDyL) – Snejana Gadjeva (INALCO, CREE) – Alexandru Mardale, Sophie Vassilaki (INALCO, CREE)

Samuel CHAKMAKJIAN(INALCO, M2 SDL SeDyL)
Tout est relatif : variation et choix des relatives en arménien occidental
L’arménien moderne est connu pour la richesse de ses stratégies de subordination. Cette étude présentera des données et des analyses nouvelles sur une concurrence entre deux stratégies de relativisation dans l’une des deux variantes principales de la langue, l’arménien occidental. Les deux modèles de relativisation principale en arménien occidental sont (1) les relatives finies post-nominales et (2) les relatives non-finies pronominales (Donabédian, 2018). Les relatives finies ont pour tête un pronom relatif, issu d’un élément QU-, ou le plus souvent, le subordonnant invariant vor. Les propositions relatives finies sont construites avec l’un des trois participes, qui précède toujours le nom, dans la position attendue pour l’adjectif dans le SN. L’arménien occidental, en tant que langue polycentrique (Cowe, 1991) et diasporique, se trouve dans une situation sociolinguistique assez particulière, ses locuteurs vivant dans des pays et même des continents divers, et ce depuis plusieurs générations. Il est donc particulièrement nécessaire de prendre en compte les profils sociolinguistiques lors de l’examen des tendances syntaxiques, et donc la distribution des deux relatives en question. Les études récentes montrent que parmi d’autres facteurs, des phénomènes de contact de langue jouent un rôle influençant dans le choix de relative (Hodgson, 2019), mais les données présentées ne tiennent pas compte du cas de l’arménien occidental. Afin de combler cette lacune, j’ai mené deux expériences sur plus de vingt locuteurs de l’arménien occidental de six pays. Cette présentation fera la synthèse des connaissances acquises lors de recherches antérieures, ainsi que celles tirées de trois types de données accumulés lors de mes expériences : élicitations ciblées, parole spontanée, et jugements d’acceptabilité.

Snejana Gadjeva (INALCO, CREE)
Alexandru Mardale, Sophie Vassilaki (INALCO, CREE)
Le subjonctif dans les phrases indépendantes : approche comparative (bulgare, grec moderne, roumain
Les emplois convergents du subjonctif introduit par des particules dédiées (alb. të, bulg. da, grec na, roum. să) dans les langues balkaniques ont été décrits principalement dans les propositions subordonnées (Sandfeld 1930, Assenova 2002, Giannakidou 2009, Roussou 2021). En revanche, ces formes modales n’ont pas été suffisamment examinées lorsqu’elles sont employées dans des propositions dites indépendantes (Frâncu 2010), ces dernières ayant été majoritairement traitées comme des variantes elliptiques des constructions subordonnées (Avram 2015). Notre étude comparative se donne comme objectif d’explorer cette question, en accordant une attention particulière aux propositions interrogatives, statistiquement les plus fréquentes (Zafiu 2011) et dont le statut et les propriétés méritent d’être davantage creusés. L’hypothèse défendue est que ces formes non dépendantes sont sémantiquement sous-spécifiées et qu’elles donnent lieu à un riche éventail d’interprétations pragmatico-discursives (permission, suggestion, doute, hésitation, hypothèse…) conditionnées par plusieurs paramètres (dialogue ou pas, type de question : totale, partielle ou rhétorique, interro-exclamative, etc.). Au-delà de ces convergences bien identifiées sur les trois langues, on relève certaines convergences plus partielles qui concernent notamment le bulgare et le GMS et qui sont déterminées par l’existence d’un système aspectuel qui n’existe pas en roumain. L’existence des convergences fortes mais variables, selon les domaines, nous font revenir sur l’impact du contact linguistique à la structuration de l’aire balkanique. L’exploration des données plus affinées, par le croisement systématique de la morphologie et des valeurs sémantico-pragmatiques, nous permettra de fournir une description plus précise des faits pertinents à la problématique de la convergence aréale. Projet en cours.

7 mai 2021 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Samuel CHAKMAKJIAN(INALCO, M2 SDL SeDyL)

Tout est relatif : variation et choix des relatives en arménien occidental
L’arménien moderne est connu pour la richesse de ses stratégies de subordination. Cette étude présentera des données et des analyses nouvelles sur une concurrence entre deux stratégies de relativisation dans l’une des deux variantes principales de la langue, l’arménien occidental. Les deux modèles de relativisation principale en arménien occidental sont (1) les relatives finies post-nominales et (2) les relatives non-finies pronominales (Donabédian, 2018). Les relatives finies ont pour tête un pronom relatif, issu d’un élément QU-, ou le plus souvent, le subordonnant invariant vor. Les propositions relatives finies sont construites avec l’un des trois participes, qui précède toujours le nom, dans la position attendue pour l’adjectif dans le SN. L’arménien occidental, en tant que langue polycentrique (Cowe, 1991) et diasporique, se trouve dans une situation sociolinguistique assez particulière, ses locuteurs vivant dans des pays et même des continents divers, et ce depuis plusieurs générations. Il est donc particulièrement nécessaire de prendre en compte les profils sociolinguistiques lors de l’examen des tendances syntaxiques, et donc la distribution des deux relatives en question. Les études récentes montrent que parmi d’autres facteurs, des phénomènes de contact de langue jouent un rôle influençant dans le choix de relative (Hodgson, 2019), mais les données présentées ne tiennent pas compte du cas de l’arménien occidental. Afin de combler cette lacune, j’ai mené deux expériences sur plus de vingt locuteurs de l’arménien occidental de six pays. Cette présentation fera la synthèse des connaissances acquises lors de recherches antérieures, ainsi que celles tirées de trois types de données accumulés lors de mes expériences : élicitations ciblées, parole spontanée, et jugements d’acceptabilité.

9 avril 2021 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Laurène BARBIER (INALCO, M2 SDL SeDyL) – Dané UN (INALCO, Master2 LLCER, Parcours Asie-Pacifique) -Emile FAURE (D2, Sorbonne Nouvelle – ED 622 CeRMI)

Laurène BARBIER (INALCO, M2 SDL SeDyL)
L’influence du russe sur les subordonnées circonstancielles en haut-negidal

Les langues toungouses comme le haut-negidal sont aujourd’hui toutes moribondes. Pour articuler des relations de subordination, elles ont normalement recours à des formes verbales non-finies comme des converbes ou des participes associés à un marquage casuel (Pakendorf & Aralova, 2020 : 300). Pourtant, plusieurs études ont mis en lumière une influence manifeste du russe suite à un contact prolongé, ayant pu conduire à une évolution des pratiques langagières des locuteurs. Similairement à ce qui a été mis en avant dans certaines variétés d’évenki, langue sœur du haut-negidal, parlées à Tura et Iyengra, en Sibérie centrale (Grenoble, 2000 & 2009), des exemples de propositions subordonnées circonstancielles en haut-negidal influencées par le russe ont été identifiés, à partir d’une selection de textes construite grâce à un corpus de haut-negidal rassemblé par B. Pakendorf et N. Aralova via le logiciel FieldWorks Language Explorer (FLEx) (Pakendorf & Aralova, 2017). Cependant, ces résultats préliminaires montrent également que peu d’énoncés de la sélection présentent des signes du contact avec le russe au niveau de la stratégie de subordination par comparaison avec le nombre total d’énoncés ayant recours aux formes habituellement utilisées en haut-negidal. L’influence du russe est pourtant attestée à d’autres niveaux de l’énoncé. J’analyserai dans quelle mesure les propositions subordonnées circonstancielles sont influencées par le russe en haut-negidal et comparerai ces premiers résultats avec ceux disponibles dans d’autres langues toungouses. J’évoquerai quelques éléments qui pourraient expliquer les différences entre ce qui a été décrit en évenki et ce qui a été trouvé en haut-negidal, en m’interrogeant notamment sur la nature du contact qui s’est établi avec le russe.

Dané UN (INALCO, Master2 LLCER, Parcours Asie-Pacifique)
Etude du mot neak អ្នក dans son emploi de pronom personnel
Le présent travail porte sur le mot khmer moderne neak អ្នក. L’étude se présente comme une première étape : description des emplois de ce pronom personnel et de la relation entre individus qu’il construit. Ce mot a été choisi parce qu’il présente des particularités intéressantes. D’une part, neak est employé comme un terme lexical – neak peut être pronom ou nom qui précède d’autres mots pour former un nom ; d’autre part, neak est employé comme un terme grammatical qui a la fonction de classificateur. Dans la société khmère, l’âge, l’espace, le temps et le rapport social du locuteur et de l’interlocuteur conduisent les gens à employer des termes différents pour s’adresser à l’interlocuteur. En raison de la diversité et de la complexité des termes d’adresse en khmer, nous nous concentrerons dans un premier temps sur l’étude les valeurs du mot neak en tant que pronom personnel. Dans le dictionnaire Cambodgien-Français de Rondineau (2007 : 762), neak a été défini comme « pronom utilisé pour l’interlocuteur, la personne à qui l’on parle, dans les cas où les deux interlocuteurs, gens ordinaires, veulent montrer leur respect, de la politesse, aussi bien pour les hommes que pour les femmes ». Cette définition n’est pas tout à fait complète. Elle ne nous dit rien en effet sur le type de respect entre locuteur et interlocuteur mis en jeu par neak. D’après les données qui proviennent de sources écrites et orales tel que le recueil des contes cambodgiens, les réseaux sociaux et les entretiens oraux, on observe que neak est employé non seulement pour s’adresser aux hommes mais aussi aux femmes. Neak est également employé comme le moyen pour s’adresser aux lecteurs/ écouteurs en générale. Neak peut être utilisé comme un terme appellatif pour toutes les personnes de tous niveaux sociaux. Cela veut dire que neak est utilisé pour s’adresser aux individus important dans la société jusqu’aux gens ordinaires. La réflexion est centrée sur le rapport social d’un locuteur et d’un interlocuteur, les propriétés propres du locuteur et de l’interlocuteur, les représentations que les locuteur et interlocuteur se font d’eux-mêmes.

Emile FAURE (D2, Sorbonne Nouvelle – ED 622 CeRMI)
Pronoms personnels et espace multilingue : le cas des dialectes estlandssvenska
Selon Darbhe Narayana Shankara Bhat (2004), la fonction première des pronoms personnels est d’indiquer les rôles de locuteur et d’interlocuteur dans un acte de langage. Puisque les participants à un discours alternent constamment ces deux rôles, les pronoms personnels doivent se dissocier de toute information sur leur référent pour maintenir efficacement leur fonction première. Cette absence d’éléments d’identification différencie les pronoms personnels des proformes qui associent les participants à des référent. Bhat suggère une distinction typologique entre les langues à deux pronoms (première et deuxième personnes) et les langues à trois pronoms (première, deuxième et troisième personnes). L’estlandssvenska désigne les dialectes suédois parlés jusqu’à la Seconde Guerre mondiale sur les îles et les côtes du nord-ouest de l’Estonie. Se situant à la périphérie du continuum dialectal scandinave, l’estlandssvenska a été en contact pendant plusieurs siècles avec l’estonien, une langue finno-ougrienne. Le suédois standard est une langue à deux pronoms tandis que l’estonien en possède trois. La propagation des innovations dans le continuum scandinave d’une part et la proximité multiséculaire de l’estonien d’autre part ont-elles eu des répercussions sur le système pronominal des dialectes estlandssvenska ? Après un bref aperçu de l’estlandssvenska et de l’espace multilingue que constitue l’Estonie, notre communication présentera les résultats de nos recherches à partir d’un corpus de textes dialectaux estlandssvenska. Dans une problématique de contact de langues, nous examinerons entre autres le cas du dialecte de Korkis. Ce dernier possède la particularité d’afficher un syncrétisme casuel du pronom personnel de première personne du singulier ja qui englobe les fonctions du sujet et de l’objet.

12 mars 2021 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Sophie Rose-Herrier (INALCO- SeDyL)

La prosodie des marqueurs discursifs et son impact sur leur sens : le cas de vidimo en russe contemporain.
Les marqueurs discursifs (à présent MD) forment une classe d’unités dans la langue, au même titre que les autres parties du discours (verbes, noms, etc). Cela signifie donc qu’ils ont une sémantique, une syntaxe et même des propriétés sur le plan prosodique, cela a été notamment montré dans le numéro de Langages 207 (2017) qui leur a été consacré. Ils introduisent une partie de l’énoncé, un mot ou un énoncé entier que l’on appelle leur portée. Leur impact sur cette portée varie en fonction du type de marqueur, mais leur point commun est qu’ils présentent son contenu comme une possibilité parmi d’autres, sélectionnée par l’énonciateur parmi d’autres alternatives. Ainsi, la portée, au lieu d’être une information objective, devient un élément subjectif.

(1) Zdorov’e portitsja. Vidimo,[načinaetsja bolezn’ Parkinsona.] Kniga trjasëtsja v eë rukah.
« Sa santé se dégrade. Apparemment, elle est atteinte de la maladie de Parkinson. Entre ses mains, les livres tremblent. » (L. Ulickaja, Sonečka, traduction de S. Bénech, 1998)

La portée entre crochets est une hypothèse qui émane de l’énonciateur et qui a été choisie dans un paradigme de possibilités (les différentes maladies correspondant à ces symptômes) avec la présence d’une justification à droite.
Dans le cadre de ma thèse qui porte sur une série de MD épistémiques formés sur la racine « voir » du russe contemporain, je me suis penchée sur les propriétés prosodiques des MD qui s’avèrent être déterminantes pour étudier leur impact sur l’énoncé qui les contient. Il faut savoir que l’importance de la prosodie dans l’étude des MD est défendue par de nombreux linguistes, dont Kobozeva et Zaharov (2004) pour le russe qui ont montré des résultats surtout sur des particules (a « mais », vot « voici » etc.) mais aussi des MD comme vvobče « en général ».
Je vais montrer dans cette présentation que l’on peut distinguer deux cas : le détachement ou non-détachement du marqueur par rapport à sa portée, comme l’avaient proposé Bonnot et Kodzasov (2001) pour dejstvitel’no « effectivement ». Il s’agit donc de développer ce concept grâce à des matériaux étudiés avec le logiciel Praat, ainsi que de montrer qu’il ne se limite pas au russe.

12 mars 2021 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Natalia Cáceres Arandia (Postdoctorante CNRS | Laboratoire SeDyL)

Participer à la réunion Zoom
Système de classes lexicales : une classe dédiée à la co-prédication dans la famille caribe
Le caractère exceptionnel du système des classes lexicales existant dans la famille des langues caribes tient au potentiel fonctionnel et sémantique d’une des catégories du système. Le système des classes lexicales prototypique d’une langue caribe consiste en quatre catégories principales : verbes, noms, adverbes et postpositions. La catégorie des adverbes comprend la plupart des concepts exprimant des propriétés (typologiquement associés à une classe d’adjectifs) et la manière, le temps et l’espace (typologiquement associés à une classe d’adverbes).
Les adverbes des langues caribes fonctionnent sans dérivation supplémentaire en tant que modificateurs du verbe et dans la prédication stative (avec copule). En revanche, dans la modification adnominale (fonction épithète), les membres de cette catégorie lexicale doivent toujours être dérivés avec des suffixes nominalisateurs, indépendamment de leur sémantique.
Cette situation contraste avec celle des autres langues n’ayant pas de classe dédiée à la modification adnominale dans lesquelles les concepts de propriété appartiennent typiquement à la classe des verbes ou à celle des noms. Parallèlement, l’existence de ce système vient contredire deux des théories les plus citées en typologie de classes lexicales (Croft 2001, Hengeveld 1982) qui prédisent qu’un système distinguant au moins trois classes lexicales fera de la troisième classe la classe dédiée à la modification adnominale.
Une étude comparative antérieure suggérait que la source du système de classes lexicales caribes était liée à la source intransitive de la construction avec copule. La présente étude, basée sur un corpus oral de première main et sur des données comparatives, démontre que la source du système est sans doute à chercher du côté de la co-prédication.

12 février 2021 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Outi Duvallon (Inalco – Sedyl)

Participer à la réunion Zoom
La particule enclitique finnoise -kin : quel lien entre indéfinition et focalisation ?
Résumé

Programme 2020

11 décembre 2020 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Alexandru Nicolae (Romanian Academy’s Institute of Linguistics, University of Bucharest)

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Diachronic Variation and Change in the Word Order of Romanian
The goal of this talk is to provide an exhaustive description and analysis of the major word order changes affecting the clausal and the nominal domains in the passage from Old to Modern Romanian, couched within an up-to-date theoretical framework. After introducing periodization of the Romanian language and the methodology, we set out to discuss the major points in diachronic word order variation. In order to genuinely depict and describe diachronic variation, the Old Romanian data are set in contrast with the Modern Romanian ones. The talk is explicitly comparative: (Old) Romanian is contrasted with older stages of its sister Romance languages, but also with the languages spoken in the Balkan Sprachbund, all with the explicit goal of identifying the particular features of Romanian.

13 novembre 2020 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Hélène Gérardin (INaLCO – SeDyL)

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Vers une classification typologique des verbes géorgiens
Cette intervention vise à présenter les résultats d’une recherche de plusieurs années consistant à établir une classification typologique exhaustive des verbes géorgiens. Le géorgien, langue caucasique du Sud, est caractérisé par un système verbal particulièrement complexe, dans lequel le marquage et l’indexation des actants sont conditionnés par un grand nombre de paramètres : personne, nombre, temps/aspect/mode, valence, voix, classe de verbes, etc. La classification des verbes la plus communément admise jusqu’à présent repose sur la grammaire traditionnelle. Or, cette approche, trop calquée sur les langues indo-européennes anciennes, brouille en de nombreux endroits les données, engendrant des problèmes d’interprétation pour certains non encore résolus. La classification que nous proposons dans cette intervention s’appuie sur des critères exclusivement typologiques. Nous montrerons que si l’on s’en tient à une définition rigoureuse des critères de classification et à une séparation stricte des niveaux morphosyntaxique et sémantique, on aboutit à un système d’une étonnante cohérence. La classification ainsi obtenue se compose d’une trentaine de classes de verbes, au sein desquelles l’unité morphosyntaxique se double d’une unité sémantique. Cet exposé, établi à partir de données de première main, entend d’une part proposer une nouvelle analyse du verbe géorgien et d’autre part fournir, par les données géorgiennes, une illustration pertinente aux concepts linguistiques ayant trait au verbe (valence, voix, transitivité, etc.).

28 février 2020 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Christine Bonnot (INALCO) – Arayik Hayriyan (INALCO)

Christine Bonnot (INALCO)
Variations de l’ordre linéaire et construction de la temporalité dans les textes narratifs en russe contemporain
Résumé
&
Arayik Hayriyan (INALCO)
Construire une base empirique pour étudier le marquage différentiel de l’objet en arménien moderne
Résumé

Programme 2019

15 novembre 2019 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Dorian Pastor (Etudiant à l’EPHE) – Anaïd Donabédian, Outi Duvallon (SeDyL UMR8202, Inalco – CNRS)

Dorian Pastor (Etudiant à l’EPHE)
L’emploi du subjonctif persan et de l’optatif turc dans l’expression du prospectif
Le subjonctif en persan et l’optatif en turc peuvent-ils dénoter le prospectif ? C’est l’hypothèse de départ de cette étude qui vise analyser l’emploi du mode du souhait du turc et du persan et sa possible expression du prospectif, une catégorie linguistique définie par Comrie (1976) comme un fait attendu, une action ultérieure au moment où elle est exprimée (en français, être sur le point de).
Korn & Nevskaya (2017) produisent un ouvrage destiné à la description du prospectif dans des langues géolocalisées en Eurasie et dans lequel y est également décrit le prospectif en turc et en persan. Or, dans le cas de ces langues, le subjonctif n’y est pas mentionné.
Notre étude se base sur la variante parlée du persan (Téhéran) et du turc avec un corpus entièrement constitué d’extraits issus de conversations orales et écrites (message sur internet, sms, etc.) dans un registre informel.
&
Anaïd Donabédian, Outi Duvallon  (SeDyL UMR8202, Inalco – CNRS)
Nom nu, agglutination et individuation, le cas de l’arménien et du finnois
Cette séance se déroulera sous la forme d’un échange sur la base de leurs travaux sur cette question. Après une présentation générale de la notion de nom nu, cette dernière sera située dans le système des deux langues abordées ici, qui partagent certains traits typologiques :
– au plan morphologique, l’agglutination qui n’est absolue ni en finnois (où le statut du nominatif est, de ce fait, problématique) ni en arménien,
– pour ce qui est de l’expression de la détermination, l’arménien a un article, mais pas le finnois,
– pour ce qui est de la valeur de la forme nue vis-à-vis de l’opposition de nombre, ce qui implique des similarités et des différences dans la façon de mobiliser ces marques pour exprimer l’individuation, et soulève du même coup la question plus générale de la notion de pluralité et de sa construction linguistique.
Références :
Duvallon, Outi (2019), « Pluralité indéfinie et individuation de la référence: les quantifieurs finnois moni et monta ‘plusieurs’», in Bonnot, Duvallon, de Penanros, Individuation et référence nominale à travers les langues, Lambert-Lucas, 2019, p. 79-104
Donabedian, A. « Nom nu et tropisme typologique : le cas de l’arménien »,  in Floricic F. (ed.), Essais de typologie et de linguistique générale, mélanges offerts à Denis Creissels, Lyon, ENS Editions, 2010, 403-416
Donabedian, A., « Неоформленный субъект в западноармянском языке — к вопросу о неаккузативности », 1/2010, 24-45 (élaboration d’un travail paru en français : « Sujets nus en arménien ; inaccusativité ou énonciation?», in Le sujet, une catégorie en question, Cahiers de Linguistique de l’Inalco, 6/2006-2007, 129-153)
Donabédian, A., « Le pluriel en arménien moderne », in Faits de Langues, 2/1993, 179-188.)

18 octobre 2019 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Kirill Ganzha (INALCO) – Isabelle Bril (Lacito-CNRS)

Kirill Ganzha (INALCO)
Difficultés spécifiques des francophones dans la production de l’accent lexical russe
Résumé
&
Isabelle Bril (Lacito-CNRS)
Lexical restrictions on grammatical relations and voice consturctions in Amis  
Résumé

12 avril 2019 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Jean-Baptiste Lamontre, M2 INaLCO – Iliyana Krapova, University Ca’ Foscari, Venise

Jean-Baptiste Lamontre, M2 INaLCO
La morphologie verbale du kulung : reconstruction interne et comparaison
&
Iliyana Krapova, University Ca’ Foscari, Venise
Factives and the left peripheery of the Balkan clause

Résumés

15 mars 2019 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Álvaro Diez Alejandre (Université Paris Sorbonne Nouvelle) – Lamphoune Soundara (Inalco/SeDyL)

Álvaro Diez Alejandre (Université Paris Sorbonne Nouvelle)
Les relatives en popoluca de Texistepec
&
Lamphoune Soundara (Inalco/SeDyL)
Quelques aspects syntaxiques du kmhmouʔ 

Résumés

8 février 2019 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Sopheap Nou, INaLCO – Fida Bizri, INaLCO – SeDyL

Sopheap Nou, INaLCO
Krup et roal : la détermination et la quantification de la langue khmère contemporaine
En khmer, un syntagme nominal (SN) est formé de deux termes : un nom (N) support (déterminé) et un terme considéré comme apport (déterminant). En général, le N déterminé précède un ou plusieurs déterminant(s). Les déterminants peuvent être un N, un qualificatif, un numéral, un classificateur ou un quantifieur, un démonstratif ou un possessif. Dans le cadre de cette étude, krup et roal, font partie des rares déterminants qui précèdent le N. Ces deux mots occupent la même position dans un SN.
De manière générale, les dictionnaires cambodgiens et les ouvrages de grammaire du khmer ne font pas de distinction entre les valeurs sémantiques de krup et celles de roal. Ils considèrent ces deux mots comme quasi-synonymes : krup est traduit par « tous, tout, totalité, complet, suffisant, chaque » et roal par « chaque, tous, tout ». Or la théorie des opérations énonciatives nous apprend que les mots qui semblent pouvoir être employés de la même manière ont en fait des emplois spécifiques dont la grammaire traditionnelle ne rend pas vraiment compte.
Il est intéressant de remarquer que krup et roal renvoient tous les deux à la notion de « pluralisation ». Ils ne précèdent que les N qui renvoient à plusieurs occurrences qui constituent un ensemble. Mais quels sont alors les caractéristiques qui distinguent krup de roal ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de décrire tous les emplois de krup et de roal. Ce travail se déroulera en deux temps : d’une part, une caractérisation « interne » de la sémantique de krup et de roal, et d’autre part, une caractérisation « externe » qui explicite les propriétés des séquences dans lesquelles peuvent apparaître ces deux mots.
&
Fida Bizri, INaLCO – SeDyL
La langue comme outil pédagogique émancipateur
Cette présentation fait le point sur une expérience pédagogique que j’ai menée à l’INALCO auprès d’un groupe d’étudiant.e.s dits en difficulté que j’étais chargée d’initier à des bases de linguistique leur permettant de mieux s’insérer dans leur cursus Langues’O. Comment parler de COD à des jeunes qui ont en tête des questions autrement plus douloureuses que l’ordre des mots ? Qui a inventé ce sigle de COD et pourquoi l’incapacité à décoder son mystère devrait être si stigmatisante ? Par où commencer? L’idée est venue d’eux. Après un temps où je me suis retenue de leur imposer un enseignement ‘de trop’, de peur d’étouffer leurs interrogations qui peinent à se formuler, des questions timides quoique rebelles commencent à se faire entendre : « Comment naissent les langues et qui les invente d’ailleurs? » Le « d’ailleurs » en disait long sur leur désarroi, et c’est ainsi que je les ai accompagné.e.s dans l’invention d’une langue de A à Z, et guidé.e.s pour  accoucher de questions linguistiques pertinentes, plutôt que de les noyer sous des réponses à des questions qu’ils ne se sont jamais posées, par manque de docilité et non de créativité. Ils ont appelé leur langue FENISY THRAPUNJ, terme auquel ils ont donné le sens de « langue (THRAPUNJ) des Derniers Qui Seront les Premiers (les FENISY) ». Eux qui, en quelques séances, ont inventé une langue qu’ils sont déjà capables de parler, pourquoi peinent-ils tant à apprendre la langue’O dans laquelle ils sont inscrits ? N’est-ce pas là une question qui devrait être soumise au système plutôt qu’aux étudiants en échec ?

Programme 2018

14 décembre 2018 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Julie Haslé (INaLCO) – Tom Durand (SeDyL UMR 8202 CNRS INaLCO IRD)

Julie Haslé (INaLCO)
Étude des marqueurs des constructions analytiques du réfléchi et du réciproque en arabe du Caire
Nous proposons d’étudier les marqueurs des constructions analytiques du réfléchi et du réciproque en arabe du Caire. Il s’agit de nafs pour le réfléchi, et baˁḍ pour le réciproque.
Nous avons observé que les rôles syntaxiques ne sont pas modifiés par les constructions analytiques. Les deux marqueurs ont en commun de construire a posteriori la réorganisation des rôles sémantiques. Une approche notionnelle associée à la reconnaissance du rôle de la structure actancielle dans l’étude des marqueurs diathétiques a également permis d’identifier des structures qui empruntent à ces modèles.
Dans les deux cas, il s’agit de marqueurs re-caractérisés pour leur fonction diathétiques, et non de marqueurs propres à cet emploi. Par la comparaison des caractéristiques fonctionnelles et notionnelles de ces mots lorsqu’ils occupent d’autres fonctions syntaxiques, il est possible d’appréhender les critères de leur sélection en marqueurs de diathèse.
L’identification d’un ensemble de traits notionnels associés à ces mots a enfin montré des valeurs associées aux constructions analytiques du réfléchi et du réciproque, et d’éclairer ainsi les motifs de l’emploi de deux marqueurs distincts.
&
Tom Durand (SeDyL UMR 8202 CNRS INaLCO IRD)
La transitivité scindée en wayuu: Facteurs lexicaux et grammaticaux
La langue wayuu (famille arawak) a reçu l’attention de nombreux typologues en raison de la structure actancielle variable de ses constructions intransitives comme transitives. Pour ces dernières, il existe deux modèles qui se distinguent par l’encodage de l’agent du verbe transitif. D’après plusieurs auteurs (Álvarez (2002), Sabogal (2018)), cette scission au sein des verbes intransitifs dépend de la définitude et d’autres facteurs pragmatiques. L’objectif de cette présentation est de démontrer que cette scission est également influencée par des facteurs lexicaux et grammaticaux. Plus précisément, j’affirme que les verbes de perception (sensorielle comme mentale), la modalité ainsi que des morphèmes liés à la non-finitude imposent tel ou tel marquage actanciel. Pour ce faire, je m’appuierai sur des données de première et seconde main (élicitées et semi-directifs), et ce, au travers d’une étude historique et comparative au sein de la branche caribéenne de la famille arawak

9 novembre 2018 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Colloque International : Microvariation dans le marquage différentiel de l’objet roman

Programme

19 octobre 2018 - 14h30 - 17h30

Séminaire doctoral – Théories et données linguistiques

Katherine Hodgson (INALCO) & Adam Ledgeway (Université de Cambridge)